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Avatars recadrés 3

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20 mai 2019

20 Mai 2019 Mon grain de sel contre l’acharnement thérapeutique

Désolé de voir à nouveau à la TV des reportages médiatiques, sur des questions fondamentales, traités par des journalistes qui n’ont aucune expérience autre que livresque (le fameux dossier constitué le plus souvent par d’autres compilateurs ignorants les réalités) d’un problème et qui passent le lendemain à un autre sujet qui leur est tout autant étranger, avec pour seul appuis des dossiers de presse faits de bric et de broc.

Je suis toujours aussi étonné de ces défilés de personnes convaincues de la justesse de leur cause sans y avoir réfléchi et sans en avoir aucune expérience. Mais cela fait de belles images pour la TV. Aucun journaliste ne demande à Mr Castaner de dénombrer les participants et ne demande à ces « manifestants » de s’exprimer comme ils le font avec les gilets jaunes, en essayant de montrer les contradictions et en mettant en valeur les positions extrêmes. Le journalisme est un art, coco.

 

J’ai eu dans ma famille éloignée, alors que j’était déjà dans mes études de médecine un cas de cousin plongé, jeune adulte, dans un coma profond à la suite d’un arrêt cardiaque survenu au cours d’une anesthésie d’une chirurgie abdominale. Son épouse, une cousine, l’a, un temps, pris en charge à domicile, ce qui même avec des aides est une tache psychologiquement et physiquement insurmontable. Ce cousin est décédé quelques années plus tard sans reprise de conscience. Pourquoi les tenants de la vie de la partie déraisonnable de famille Lambert ne se proposent-ils pas pour cette prise en charge à domicile, aidée par les nombreux accompagnants qui défilent agitant des pancartes dont ils ne connaissent pas les implications.

Faire survivre un coma dépassé en l’alimentant et l’hydratant n’est pourtant pas difficile. Si on exclut bien sûr les soins cutanés de prévention d’escarre, les changes des couches souillées par les selles ou les diarrhées, les soins urinaires, les soins par antibiotiques pour combattre les infections pulmonaires sur des encombrements de trachée ou de trachéotomie qu’il faut aspirer.

Cela mobilise un personnel nombreux, mais souvent en sous-effectif (ah ! le budget !), disponible 24 h sur 24 et qui, malgré ce que pensent certains, s’attache à la personne pour peu que les soins ne soient pas délégués à des intérimaires tournants.

Je ne comprends pas que certaines familles réclament les soins pour l’être cher, sans être capables de les prendre en charge, avec un minimum de formation, mais avec tout l’amour dont ils sont capables, aidés bien entendu au fil des années par les cohortes d’accompagnants protestataires de défilés.

La question du coût semble accessoire mais est bien présente, et en tout cas vient obérer le budget de l’hôpital, dont les lignes budgétaires de matériel et de personnel font peser sur le service une suspicion d’inutilité, au dépend de qui ?

J’ai eu dans ma carrière l’occasion de prendre en charge des arrêts cardiaques réanimés tardivement ou dont la tentative de réanimation s’est trop prolongée. Le cœur peut repartir, mais le cerveau est lui très atteint voir totalement éteint. Heureusement dans les atteintes cardiaques ces cœurs se révèlent trop mauvais pour guérir (alors que l’on parle souvent des cœurs trop bons pour mourir, ce qui existe et qui motive les secours). Et les récidives sont alors inéluctables. Il serait en effet bien difficile d’entreprendre une chirurgie réparatrice cardiaque sous anesthésie, sur un comateux, pour une « réparation » trop tardive pour être efficace.

Nos grands producteurs de lois, ne devraient siéger dans les commissions de réflexion, qu’après des stages de plusieurs mois, avec les horaires des soignants, dans les unités à qui on veut expliquer le fonctionnement soi-disant parfait, en n’ayant siégé qu’autour d’une table, dans la tranquillité feutrée de ce type de réunions. Loin de moi de penser que ces « experts » de médecine, de droit, de santé publique, soient de mauvaise foi. Je pense simplement que chaque cas est particulier et demande une décision rapide voir immédiate.

 

Mon expérience personnelle

« Réveils de coma ». Un des secteurs de l’établissement où j’ai exercé était spécialisé pour la prise en charge de réveil de coma. Ce réveil était espéré, parfois appuyé sur des signes positifs et une évolution favorable continue. Ce réveil était souvent confirmé, mais parfois infirmé, mais se faisait le plus souvent vers des séquelles sévères, parfois mal acceptées par les familles et la société (comportements « désinhibés » parfois et séquelles motrices lourdes)

Trachéotomie à changer car bouchée ou expulsée au cours d’une toux. Episodes thermiques sévères avec parfois crise épileptique prolongée, régurgitations d’origine gastrique noyant les poumons.

En garde. Le médecin cardiologue de l’hôpital qui prend la garde comme tous ses confrères, neurologues, rééducateurs, angiologues, dans tous les services doit prendre les décisions dans les minutes qui suivent. Pas le temps de consulter un dossier sur plusieurs heures (ou semaines comme le font ensuite éventuellement les magistrats) la décision doit être prise immédiatement. Les équipes sont, de nuit, très réduites, (le budget n’est fait que pour prévoir la routine !). Il m’est arrivé assez souvent entre 23 h et 5 h du matin, par exemple, d’être appelé en urgence pour résoudre ce type de problème. La « prise en charge » d’un patient qui s’étouffe et se noie dans son liquide gastrique, outre le côté impressionnant, ne laisse pas au médecin beaucoup de temps pour réagir, et peut être l’occasion de gestes techniques de plusieurs heures. Il est parfois difficile de se réendormir sans se poser de multiples questions sur la validité et la justification des gestes effectués. On est parfois peu fier du résultat. Mes collègues d’autres spécialités, devant un arrêt cardiaque d’œdème du poumon, ou d’embolie pulmonaire se retrouvaient devant les mêmes dilemmes.

Inutile de réveiller ceux qui ne sont pas de garde, parfois trop éloignés, et de toute façon la description des scènes d’urgence, peut prendre un temps précieux pour la survie du patient. Chacun prend sa responsabilité immédiate.

J’ajouterai que la récupération des gardes par un repos compensateurs n’était pas la mode à mon époque. Et la continuité des soins et la transmission des données (outre le dossier médical informatisé que j’avais mis en place, déjà) se faisait dès le matin, de vive voix, « au lit du malade » selon notre jargon.

On était très loin des protocoles anonymes et impersonnels que l’on veut promouvoir par l’Intelligence Artificielle. Cela dans l’idée qu’un médecin est diplômé, donc polyvalent et doit savoir tout faire (éventuellement guidé par une machine, le rêve de tout planificateur). Un peu comme un Enarque qui peut passer de la Culture aux Affaires étrangères puis au Budget avec le succès que l’on connait.

J’avoue que ma formation de base et surtout les remplacements de généralistes en campagne que l’on dit maintenant « désertifiées » m’ont beaucoup aidé, mais n’ont pas fait de moi un médecin polyvalent, gynécologie, pédiatrie complexe, accouchements : ma hantise !

 

Cette affaire Lambert réveille à chaque épisode mes interrogations et souvenirs.

De même que l’intervention que je dois faire pour « la marche du cœur » de la Fédération de Cardiologie à laquelle j’ai déjà participé en Région Rhône-Alpes (époque dépassée car devenue Rhône Alpes Auvergne depuis. Détail amusant, à une époque de ma vie professionnelle nous faisions des réunions regroupées avec l’Auvergne. Cela nous avait été interdit pour des raisons administratives et donc de budget. Les temps changent, la stupidité administrative non. Mais certains en vivent bien)

Pour cette intervention de Cœur et Santé je me retrouve devant le dilemme habituel, simplifier au maximum pour délivrer un message de communication plus que de raison, ou de miser sur l’intelligence des auditeurs pour élargir leurs connaissances et les porter à réfléchir sur les pathologies cardio-vasculaires, les facteurs de risque et l’intérêt d’une prévention qui n’est pas l’alpha et l’oméga qu’on pourrait espérer dans le simplisme.

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