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14 mars 2015

14 mars 2015 Jean De Kervasdoué commenté

Je suis tombé aujourd’hui sur un article de Jean de Kervasdoué (JDK) dans Marianne intitulé : Santé, un aveuglement conservateur.

Je l’ai lu avec intérêt car pour une fois j’y ai trouvé des idées intéressantes, bien que partielles.

Je ne peux pas m’empêcher de faire des commentaires pas toujours gentils, mais ils sont tirés de ma longue expérience du monde de la santé vu du côté du pauvre exécutant. Et cela m’a permis de faire le point (critiquable comme mes avis) sur mon activité en santé autre que le soin.

Ce haut personnage (dont vous verrez une biographie tirée de Wikipédia, et qui m’a permis de voir que nous étions de «la classe», bien qu’il soit plus jeune que moi !) était Directeur des hôpitaux (de France) en 1983. (J’ai débuté à Mangini comme chef de service en 1976 !!!)

 Il est resté quelques années et a mis en route des « réformes » avant que l’on applique ce terme à tout et surtout n’importe quoi. Ce fut pour moi le début de ma compréhension de la mainmise de l’état bien avant que de Kervasdoué ne s’en rende compte, car bien sûr il reporte le problème à plus tard, après lui.

Pour ma part il y avait 5 ans que j’exerçais à Mangini (Hauteville-Lompnès) comme chef de service.

5 ans plus tard environ, les problèmes posés par ces réformes obligeaient Hauteville à une réflexion sur son rôle. Les médecins et les politiques locaux ont donc proposé un audit de la situation.

Nous avons donc créé une « commission » pour choisir une société conseil pour nous aider dans cet audit et nous défendre contre la DDAS (Direction départementale de l’action sanitaire et sociale) et la DRASS (Direction régionale de l’action sanitaire et sociale). Je devais être à l’époque président de la société médicale de Hauteville.

Parmi les postulants à cet accompagnement d’audit la société de Jean de Kervasdoué, reconverti en conseil. En commission je lui avais posé la question de savoir s’il était le plus apte à nous aider dans la mesure où nos difficultés n’étaient pas sans rapport avec son action à la direction de la santé. Il m’avait répondu que sa réforme était la bonne mais que ses successeurs l’avaient mal accompagnée.

Sa société n’avait pas été retenue, allez savoir pourquoi.

Nous avions donc choisi Bossard consultant qui comme par hasard conseillait aussi l’équivalent de l’ARH (Agence régionale de santé). Bossard nous a donc orientés vers les solutions qui arrangeaient l’ARH. Les solutions présentées sur un superbe fascicule avec de nombreux tableaux préfabriqués, après 6 mois de réflexions intensives pour nous, ne nous avaient pas convaincus, et nous avons repris le travail pour qu’il représente vraiment ce que nous voulions faire et ce pourquoi nous étions compétents.

Remarques mises dans l’ordre du texte

La réforme  2008 avait réaffirmé qu’à l’hôpital il n’y a qu’un seul patron : le directeur. Ce qui m’a conforté dans l’idée que Nicolas Sarkozy n’a jamais rien compris.

Pour le reste l’ironie sur « le retour à l’équilibre » m’a toujours fait rire, je suis content que JDK partage mon avis. Mais pour un haut fonctionnaire cette ironie m’étonne. Bien sûr les dépenses dérapent, mais le budget n’a jamais été fait sur des réalités mais sur des objectifs comptables. Comment veut-on en même temps diminuer le budget et ajouter des contraintes pour se disculper : le patient est au centre du projet (au niveau de la bonde de vidange diraient les méchants), la qualité doit être le centre (idem), des commissions sont créées à foison avec réunions chronophages et improductives, seuls les ignorants y apprennent quelque chose. L’évaluation doit être la règle surtout de ceux, politiques et grands fonctionnaires qui ne s’évaluent jamais, mais cette évaluation est construite administrativement avec pléthore d’items inadaptés et dont le recueil est une usine à gaz qui fait perdre du temps à tous.

 JDK doit son aura à son passage aux  Etats-Unis, pays de la dépense la plus importante par habitants en moyenne sachant que 15% de la population n’y a pas accès. Il faut une carte bleue et surtout Gold.

A ce propos une anecdote. Lors d’une des nombreuses réformes les directeurs de nombreux hôpitaux ont fait un voyage d’étude au Canada, pour voir sur place l’organisation de la santé au Québec. Ils sont revenus enthousiastes (dont mon directeur). L’année suivante sur Internet j’ai pu lire que le Québec revenait sur son organisation, changeait tout, les lois et l’organisation car inefficaces et trop couteuses. Je n’ai pas eu vent d’une telle remise en cause radicale en France.

(En DESS on nous donnait comme exemple la gestion de la santé en Angleterre, si bonne, si économique). On sait ce qu’il en est maintenant. Tout est toujours mieux ailleurs. Ne peut-on prendre les idées et les adapter à notre propre système pas si mauvais que ça ?

C’est dans ces contextes que j’ai fait le DESS « santé et information médicale » de Montpellier, (Professeur Gremy, puis Pr(e) Sancho-Garnier) pensant, après avoir informatisé le dossier médical de Mangini, pouvoir enfin comprendre le raisonnement administratif et informatiser le Programme Médicalisé des Systèmes d’Information PMSI (outil incontournable de l’évaluation). Pari perdu pour la compréhension, gagné pour l’informatisation dans mon progiciel de dossiers médicaux. Mon mémoire était sur la création d’un syndicat inter hospitalier en vogue à cette époque et dont la tutelle attendait monts et merveilles (J’étais à l’époque président du syndicat inter hospitalier de Hauteville) et on nous incitait à le regrouper avec le CH de Belley (à 35 km), ce qui bien sûr allait générer des marges de manœuvres considérables.

Je terminais en suggérant la non pérennité et les travers de ce système. Depuis le CH de Belley a été en grande partie reconverti et délocalisé et Hauteville très avancé dans cette voie et en partie géré par Bourg en Bresse (60 km)

C’est à l’occasion de ce travail que j’ai rencontré en tant qu’experte Mme ESPER qui était professeur(e) de droit à Paris V Université René Descartes, pour la rédaction des statuts du nouveau syndicat Interhospitalier (en commission). Ceci m’a conduit à un DU de « droit de la science médicale» avec elle. Ceci m’a conduit à mieux comprendre les réformes des droits des malades de Mr  Kouchner. Et aussi de me présenter au conseil de l’ordre des médecins de l’Ain dans le but de défendre les confrères surtout hospitaliers du harcèlement des tutelles et directions. Pari perdu après avoir été Vice-président, puis secrétaire général je n’ai pas été réélu. Le conseil de l’ordre de l’Ain restait très retardé, le conseil national très notable, il semble qu’il s’améliore actuellement.

Au fait les activités d’étudiant et administratives se sont faites sans perdre le contact direct avec les patients. Gardes rendues aux collègues après les brefs séjours à Montpellier et Paris 2 à 3 (astreintes pour le directeur) par semaine, consultations urgentes faites le samedi et parfois le dimanche sans supplément car à mon initiative, formations continue médicale, lecture, congrès, formations technique écho etc.,  faites régulièrement, activités de cours faites. Finalement activité professionnelle bien remplie.

Pour le tiers payant généralisé, je ne vois pas en quoi il va dégager des économies d’autant que l’on sait que beaucoup des rendez-vous non décommandés sont pris par des patients au tiers payant qui existe déjà, que les consultations itératives sont souvent le fait de patients en tiers payant. Celui-ci existe depuis longtemps pour les patients en ALD (Les 30 maladies graves et/ou chroniques. les aides médicales gratuites, les maladies du travail et les accidents du travail etc…)

Faire une avance de frais de 23€, remboursé par la sécurité sociale en quelques jours si tout marche bien chez elle, est-ce vraiment capital quand cela représente moins de 3 paquets de cigarettes, ¼ du forfait déplacement d’un plombier et autre…

J’ai toujours travaillé en secteur 1, sans dépassement d’honoraires, et pendant plus de 30 ans. L’administration devait-elle m’ennuyer avec des papiers qui n’apportent rien au patient.

L’informatisation de la carte vitale, la carte CPS, la carte bleue, rendent l’opération indolore pour tous, et ceux qui n’ont pas de CB, ils sont aussi à l’aide médicale gratuite.

J’y vois un intérêt pour le budget de l’Etat c’est de tenir le prix de la consultation de façon illimité, accessoirement de limiter les dépassements d’honoraires et de pouvoir dire que l’on offre la santé aux français gracieusement, grâce à eux les bons politiques, en oubliant de dire que les médecins eux seront tenus en laisse et soumis à toutes les contraintes bureaucratiques pour être payés, et l’imagination ne manque jamais à notre administration pour les manœuvres dilatoires qui permettront, au moins jusqu’en 2017, que l’on a redressé les comptes pour la X ième fois.

Que les jeunes médecins veuillent travailler en salariat ne m’étonne pas. Souvent actuellement ils veulent travailler à l’hôpital, souvent comme urgentistes, et ne désirent pas s’installer immédiatement. Pas de mise de fond, pas de risque, grande liberté vis-à-vis des patients avec travail en équipe et responsabilité partagée, temps de travail encadré, repos et possibilité d’une vie personnelle à côté de la vie professionnelle. Ce salariat très contrôlé par l’administration toute puissante risque de leur sembler bien lourd lors des décisions thérapeutiques entravées par un budget qu’ils ne maitriseront pas. L’exemple anglais et espagnol n’est pas très probant avec irresponsabilité et recours à l’activité privée hors système pour vivre.

A ce sujet,  les directeurs sont les patrons de l’hôpital, et il faut trouver des médecins et aussi dans les campagnes et si j’ai bien entendu à Paris.

Bien sûr les médecins vont se battre pour aller dans les zones où il n’y a plus d’école, de poste, de banque, de distractions, de travail pour le conjoint.

Les hôpitaux n’ont plus de budget pour payer les médecins, les gardes, les RTT, et les emprunts toxiques qu’on les a incité à souscrire.

La solution : les médecins étrangers.

Deux sortes :

-Ceux qui n’ont pas de diplômes valides en France, prioritairement employés par les hôpitaux. On peut les payer au lance-pierre, ils ne se plaignent pas, sont bien polis avec le patron, sont corvéables : l’idéal.  Tous ne sont pas nuls, certains sont même bons, mais rien ne garantit leurs connaissances et leur culture de soin. Ils travaillent sous la responsabilité du chef de service, pas du directeur, et quand on est surchargé de gardes, de tâches administratives, on en arrive vite à être moins regardant.

Ceux-là au bout de 10 à 15 ans peuvent être validés et ils quittent l’hôpital et s’installent en ville. Souvent leur culture d’évaluation de santé et de suivi des protocoles et procédures est bien éloigné des nôtres.

Dans ceux-là je pense à ces médecins sud-américains, Colombie et autres, qui ont étés validés par le préfet de Guyane en manque de médecins, qui ont travaillé brièvement en Guyane et de fait ayant un diplôme accepté pour toute la France, ont pu venir s’installer en métropole, sans autre forme de démarches

-Ceux qui ont un diplôme valide ou validé, possesseur de diplôme européen qui par la loi est admis en France et qui peuvent s’installer immédiatement. Parfois ils vont en campagne où des municipalités leur « offre » logement, matériel, locaux etc. Une fois en place ils se réinstallent plus loin en se rapprochant des villes où il y a une activité sociale..

A ce propos j’ai en tête l’épisode en France de la pénurie d’infirmières il y a 15-20 ans. La réaction des tutelles fut tardive, c’est une litote. Les directions ont recruté des infirmières Espagnoles en masse, en masse je veux dire par groupe sans entretien individuel, et les résultats furent souvent catastrophiques avec des soignants ne parlant pas le français et travaillant avec des méthodes et des protocoles qui n’étaient pas les nôtres. Aux collègues et aux médecins d’encadrer et surveiller le tout, bien sur avec un gain de temps pour tout le monde et une responsabilité vis-à-vis du patient revenant au chef de service qui a le patient buggué devant lui, même si la loi peut mettre en cause l’institution, mais qui ? Vaste procès.

 

JDK à raison, un médecin ne peut pas tout savoir. Mais en majorité il le sait contrairement aux économistes aux administratifs, aux tutelles et aux ministres ; je ne parle même pas du président.

Les réseaux de soins sont une solution papier. Ils étaient à la mode lors de mon passage en DESS.

Des réseaux nous étaient donnés en exemple, réseau diabète, réseau psy, réseau grossesse, réseau alcool, réseau drogues …. Etc.

Comment un médecin généraliste peut-il assister à toutes ces réunions de travail, communiquer avec son réseau, travail de bureau et rester compétent sur les autres sujets, mais cela n’effleure pas l’économiste de la santé pour qui le terrain est très loin.

D’ailleurs il a commis un livre sur sa propre expérience d’hospitalisation (fracture) et il a découvert des choses qui n’étaient pas dans les livres, ni même dans son ministère, ce qui ne l’a pas empêché de prétendre tout réorganiser. Un peu de modestie est parfois nécessaire.

 

Pour la conclusion de son texte je ne peux qu’approuver ses réflexions.

 

Quand je vois le désarroi de l’économiste et ses certitudes confrontées au réel, je voudrais faire une comparaison avec la conférence qui fut donnée hier au laboratoire de recherche marine de Banyuls. (Il y a une conférence par mois). Le conférencier d’un haut niveau, dont je vous joins la bibliographie et le résumé de conférence, nous a fait comprendre des notions de génétique et de fonctionnement mitochondrial appliquées aux troubles de la vision d’une façon simple et brillante.

Le parallèle avec un Enarque moyen fait pitié, et quelle modestie et distanciation par rapport aux connaissances. Qui a déjà vu ça chez nos politiques ?

Comme tout bon chercheur (et tout bon praticien) il a parfaitement connaissance du coût de ses travaux et de son laboratoire. La recherche de crédit est indispensable, mais sans se compromettre avec des donateurs non dénués d’intérêts. Comment ne pas tomber dans le conflit d’intérêt, chose qui ne semble pas, par contre, gêner le politique donneur de leçons 

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